lundi 7 septembre 2009

Le système scolaire philippin souffre d'un cruel manque d'argent et d'infrastructures

Selon des statistiques de la Banque mondiale, les Philippines dépensent 138 dollars par élève et par an. En comparaison, ce chiffre s'élève à 853 dollars pour la Thaïlande, 1 800 dollars pour Singapour et 5 000 dollars pour le Japon. Bien que l'enseignement soit considéré comme une priorité, le gouvernement philippin n'y consacre que 2,19 % de son budget, un pourcentage bien inférieur aux 6 % réclamés par les enseignants. Cette année, le nombre d'inscriptions dans le primaire et le secondaire a atteint 21 millions, soit pratiquement 1 million de plus que l'an dernier.

Quand Irene Mendevil, qui enseigne l'anglais dans un lycée de Manille, criait contre ses élèves, elle avait mal à la gorge. Aussi a-t-elle décidé d'utiliser un mégaphone. "Je perdais complètement la voix, explique-t-elle. Aucun son ne sortait de ma bouche. Pour dire à mes élèves ce qu'ils devaient faire, il me fallait l'écrire sur une feuille de papier."

Si cette enseignante de 33 ans est obligée de crier, c'est parce qu'elle a tellement d'élèves qu'elle a un mal fou à se faire entendre. Sa classe en compte une centaine, à peu près le même nombre que les autres classes du lycée Justice Cecilia Muñoz-Palma. Et cet établissement n'a rien d'exceptionnel aux Philippines, un pays en pleine explosion démographique, où l'on recense 92 millions d'habitants et dont le budget de l'enseignement est si modeste qu'il n'y a pas assez de salles pour accueillir les élèves.

Avec la crise économique, les établissements publics attirent en outre davantage d'enfants, car les familles n'ont pas les moyens de les envoyer dans les écoles privées, où les classes sont moins chargées.

Bien que le gouvernement ait lancé en 2006 un programme de construction de salles de classe, il en manque encore 27 124, selon Juan Miguel Luz, un ancien ministre adjoint de l'Education qui travaille actuellement pour le National Institute for Policy Studies, un organisme chargé d'améliorer la politique d'éducation.

Pour pouvoir admettre tous les élèves, de nombreuses classes sont redivisées par des cloisons, d'autres sont aménagées dans des cages d'escalier ou des couloirs. En 2006, on a également introduit un système de mi-temps [les élèves vont en classe soit le matin, soit l'après-midi] en vue d'alléger les effectifs.

"Dans ma classe, j'ai 106 élèves pour 90 chaises", indique Rico Encinares, un professeur de chimie de 34 ans. "Quand tous les élèves sont présents, ils doivent partager les chaises." Selon cet enseignant, 10 % seulement des élèves - ceux qui sont vraiment motivés - profitent vraiment de son enseignement, car il est quasiment impossible d'être attentif à chacun d'entre eux. "Même à la fin de l'année scolaire, je ne connais pas les noms de tous mes élèves, dit-il. On ne retient que ceux des meilleurs et des plus bruyants. Pas ceux des silencieux, qui ne font qu'écouter."

Au début de la décennie, il a été question de procéder à une refonte radicale du système de l'enseignement, mais, comme l'a récemment écrit Juan Miguel Luz, le seul changement que l'on ait relevé depuis lors est une aggravation de la surcharge. "Malheureusement, nous avons aujourd'hui des classes aussi surchargées, les mêmes procédures et des niveaux d'enseignement toujours aussi bas, mais avec des millions d'élèves en plus", déplore-t-il.

Le ministre de l'Education, Jesli Lapus, a publié un rapport annonçant la construction de 1 908 salles de classe, la rénovation de 2 513 autres et l'installation de 6 322 toilettes, dont 194 d'ici à la fin de l'année. Il a également incité les écoles à collecter du matériel de récupération pour fabriquer et réparer des meubles. Dans cette perspective, des fonctionnaires du ministère ont été chargés de concevoir un programme baptisé Opération 10 R ("recycler, réparer, remettre à neuf, réhabiliter, restaurer, réaménager, repeindre, rénover, redistribuer et réutiliser").

Au lycée Muñoz-Palma, des élèves récupèrent les bouteilles en plastique pour aider l'établissement à payer ses coûts d'équipement. Non loin de là, à l'école élémentaire Payatas, Edmon Miguel Jr. paie de sa poche pour améliorer ses conditions de travail. "Avec mes collègues, nous attendons seulement le paiement de notre salaire", explique cet instituteur de 24 ans, qui gagne 9 000 pesos [130 euros] par mois. "Nous allons nous faire une belle salle de classe."

Il enseigne actuellement dans un étroit corridor surmonté d'un minuscule toit et dépourvu de fenêtres, où s'entassent 62 enfants de 8 à 12 ans et qui est inondé pendant la mousson. "Quand il pleut, je dois faire cours avec les pieds dans l'eau, raconte l'instituteur. Quand les cahiers tombent par terre, ils sont fichus." Comme il enseigne dans un quartier pauvre, il lui arrive d'acheter des cahiers pour ses élèves. "Pour chaque interrogation écrite, je leur offre une feuille de papier."

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